La mère veille

Selon l’archétype de « la mère juive », voici trois extraits des paroles de la chanson signée Georges Moustaki, évoquant dans le comportement de notre mère, des similitudes avec les « mères juives », dans le dévouement, le sacrifice, ou bien encore l’inquiétude.

Je sais tu n’as plus quarante ans
Mais tu es encore mon enfant
Elles peuvent être possessives
Les mères juives. »

« Je sais que tu n’as plus cinquante ans
Mais tu es encore mon enfant
Elles sont vraiment très actives
Les mères juives. »

« Quand ma petite mère parlait ainsi
Je trouvais ça insupportable
Depuis son absence m’accable
Je rêve d’entendre chaque nuit
Je sais tu as 70 ans
Mais tu es toujours mon enfant
Elle était pure comme l’eau vive ma mère juive. »

 

Aujourd’hui, lorsque l’on parle de PÉNIBILITÉ au travail, il me semble opportun de faire un retour en arrière, dans les années 50, 60, 70 et 80, pour s’apercevoir qu’en ce temps-là, déjà, les femmes travaillaient (et encore de nos jours) dans des conditions difficiles, mais en silence, ce qui fut le rôle de nos Grands-Parents et de notre mère.

Des kilomètres et des kilomètres parcourus à pied, pour se rendre au travail (à Beaurepaire, Fûres, Saint-Martin d’Hères), des charges à porter, à Froges (déjà évoqué et dont nous reparlerons plus tard), pour s’arrêter plus précisément à la période de 1977 à 1988, à Tournon.

À cette époque, des kilomètres et des kilomètres de longueur de couloirs, de bureaux à balayer tous les soirs de la semaine, des kilomètres et des kilomètres de couloirs, de bureaux, à balayer, laver, et passer l’aspirateur chaque week-end, tout en tenant la journée la conciergerie de l’usine.

Tout ça pour partir avec une médaille d’honneur du travail, et un conflit perdu aux Prud’hommes, pour le refus du passage d’un titre d’OS à celui de P1.

Retour en arrière, à Beaurepaire, où il fallait aller au lavoir de la Guillotière, et nettoyer au plus profond des poches les pantalons des clients, jusqu’aux draps à savonner, frotter, rincer, tourner et retourner à l’aide d’une brosse et d’un battoir.

À la Seita (fabrication du tabac) avec des hivers rudes, habillées chaudement, autour d’un feu, alors que les glaçons pendaient au plafond.

De Fûres, où le travail de fabrication des pièces en silicone pour les sièges de la 2 CV, se faisait à haute température.

À Froges, où il fallait tenir la caisse et le maintien des marchandises en magasin, les rolls à pousser, à décharger, les caisses à enlever, à soulever…

Le premier soir, la caisse a enregistré la somme de 200,00 F, pour passer à 10 000 F par semaine, argent que nous portions fièrement avec mon frère à la poste, pour la succursale basée à Lyon.Pour le remerciement – comme cela a été indiqué – Les docks lyonnais firent faillite dans les mois qui suivirent, nous laissant sur la paille…

En parallèle à ce rythme de travail, de sacrifices pour notre bien-être (elle a dû tourner le dos à certains plaisirs féminins) mais toujours sans rien dire.

De par une éducation abordée dans la discipline du travail bien fait et du respect pour ses supérieurs (nos Grands-Parents occupaient des tâches difficiles mais fort respectables et lui ont transmis cette éducation).L’enfance à Beaurepaire entre Lucien et Lucienne, une maman sans doute quelque peu sévère, et un papa qu’elle adorait, même quand celui-ci après une journée de labeur « avait mis les pieds dans la vigne du Seigneur », pour lui, c’était « sa Mimi ».De simples jeux, pour emprunter à Monsieur Dizeure « le zizipanpan » (char à ramasser le bois) et aller glaner dans les champs, toutes sortes de choses…

Ses plaisirs, nous faire plaisir, pour que nous ne manquions de rien, ceci en toute délicatesse et en preuve d’amour.

Comment lui rendre ce que nous avons reçu (ses enfants étant sa fierté) et au-delà des mots doux qui résonnent encore, dans ses paroles, c’est notre maman, comme une sorte d’adoration.

Une anecdote, un plaisir personnel, le dimanche soir à la Plaine, où Madame Boucherand lui préparait « son canard », où nous nous retrouvions tous en famille et amies autour de cette bonne table.À la maison, route de Renage, et les bons petits plats préparés à l’attention notamment de J.P.L. et de C.G.…

Les dimanches midi, se passait alors la venue de l’oncle et de la tante depuis Lyon, nous allions cueillir des « croupettes » dans les champs autour de Fûres, pour que notre oncle en fît de la salade destinée à ses clients, de son restaurant « Les caves de France ».

Mais le lendemain, le travail reprenait le dessus, le linge à laver à la main, le repassage, la cuisine à préparer et les trajets entre le domicile et l’usine.

Autres invitations, à Tournon, pour des retrouvailles éphémères, avec les nièces de Voiron, de Pessac et leurs conjoints, ainsi que notre tante de Voiron.

Ses luxes, des bijoux appartenant à un temps, à l’autre branche familiale, un Napoléon, une bague en rubis… Quelques passages chez le coiffeur, un manteau en astrakan, offert plus tard à Madame Boucherand (qu’elle emporta, sur son lit de mort).

De l’admiration pour Grace Kelly et la famille de Monaco, l’Abbé Pierre, ou bien encore Lady Diana l’évadait et l’évade encore pendant quelque temps, avant de revenir à son quotidien.

88 ans cette année, et un corps abîmé par toutes ces années de travail, de galères, et de crises d’arthrose.