Mes Frères

« Le joli fil entre nos cœurs passé
Oh le fil
Le fil de nos sentiments enlacés
Oh le fil, nous lie, nous relie »
Extrait de la chanson d’Alain Souchon « Le fil ».

Notre premier frère, Bernard, a été élevé par trois femmes, principalement, notre mère, secondée par notre grand-mère maternelle et aussi, par notre tante (qui au demeurant s’occupait mieux de lui que de son propre fils, notre cousin, Marc).

De Beaurepaire, notre tante et notre oncle, en compagnie de notre grand-mère avec Bernard et Marc, partirent pour Lyon. Bernard trouva un travail qui le faisait voyager dans l’entreprise Massot où il a travaillé dans les « convois exceptionnels » (en France et en Europe), avec de gros camions accompagnés par un cortège de policiers en moto.

Ils partageaient un appartement à la Croix-Rousse, où nous allions certains dimanches leur rendre visite. Nous passions par le restaurant « Les caves de France » (tenu par l’oncle et la tante) tout en nous rendant après chez notre grand-mère, pour ressortir afin d’aller au magasin de jouets acheter une figurine, que je gardai précieusement, et surtout pour déguster ses patates sautées au goût jamais égalé.

De Bernard, enfant, il me reste dans nos rapports peu de souvenirs, sa gentillesse, sa simplicité et la vogue sur la place de la Croix-Rousse, avec des peluches gagnées dans un stand de tir, dont un caniche habillé en Écossais, avec à la bouche, une sorte de pâte « macaroni » pour faire croire qu’il fumait, et l’attribution de porte-clefs obtenus par des jeux dont j’ai oublié le nom, sortes de machines à sous…

Un autre souvenir raconté par les parents, lorsque Bernard et notre père allèrent à Grenoble pour m’acheter un landau et ravitailler en marchandises notre grand-mère paternelle, à Lens Lestang où le champagne se mit à couler dans les verres en cristal, qui depuis n’ont guère resservi.

Notre grand-mère, Bernard et Marc vivaient en harmonie dans un joli appartement du quartier de cet arrondissement lyonnais occupé dans le temps par les « soyeux », sous l’œil à la fois protecteur de la grand-mère – jusqu’à sa disparition – et après plutôt néfaste de l’oncle et de la tante.

Après de multiples péripéties dans sa vie (sur lesquelles je ne m’attarderai pas, par respect pour sa personne), au moment où Bernard avait besoin de soutien, ils le lâchèrent, du jour au lendemain.

C’est ainsi qu’il alla de Lyon à Tournon, de Romans à Bourg-lès-Valence, puis à nouveau de Lyon à Marseille, pour nous quitter définitivement à son domicile, dans la nuit du 1er janvier 1999, à Bourg-lès-Valence, là où il partageait avec ses amies sa passion pour les courses hippiques, en tenant avec assiduité le PMU du bar « Les platanes » et en suivant son club de foot préféré, l’Olympique de Marseille. Il redevenait lui-même, en étant élégant dans ses tenues vestimentaires (pantalons à plis, chemises à plis et à manches remontées) et reprenait goût à des relations humaines.

Notre deuxième frère que je n’ai pas vu grandir (à cause des incessants séjours à Dieulefit, puis plus tard à Troyes et à Mâcon).

Fures, 18 route de Renage, c’est là que je suis arrivé après la maternité de Tullins, sous le regard du bon Docteur Gaillet (notre médecin de famille).

Des bribes de souvenirs me reviennent, comme quoi mon frère « mimi » avait écrit à notre mère une lettre lui demandant si « j’étais plus fort que lui ».

Pour me faire dormir, on me mettait dans la 2ch afin de me bercer, hélas une bosse sur le bitume, et c’était le réveil…

8 ans de différence, de séparation nous ont conduits aujourd’hui à ce que nous sommes devenus… sans être passés par les cases du développement, de l’enfance et de l’adolescence.

Un joyeux souvenir me revient pour mon anniversaire, où mon frère et ses copains m’avaient offert (au désespoir des voisins) un tambour que j’utilisais fortement en faisant le tour de la cour…

Il figurait dans la cuisine, au-dessus de la porte qui conduisait à la salle à manger, un tableau représentant un poisson réalisé avec une feuille de papier d’aluminium sur un fond rouge que mon frère avait sans doute exécuté dans le cadre de travaux manuels, à l’école. C’est peut-être de là, que je peins aujourd’hui des poissons ?

De même dans cette maison, à l’intérieur d’une pièce sans ouverture, le précédent locataire avait peint une fenêtre – réaliste et en perspective. Là aussi, mon inspiration à l’École des Beaux-Arts de Mâcon dans la réalisation de fenêtres, de diptyques etc., venait-elle de là ?

Nous grandissions avec ses hobbys, la pêche, la chasse, et le ramassage de champignons à Chanteresse. Sa passion pour la pêche l’a emmené, enfant, à traverser Fures avec au bout de sa canne à pêche, comme une sorte de trophée, le poisson pris dans la rivière « La Tête Noire » qui coule encore aujourd’hui timidement.

L’un des derniers cadeaux pour Noël de notre grand-mère de Lens-Lestang fut pour lui l’achat d’une carabine (sa première arme à feu personnelle). De toutes ses activités, auxquelles mon frère avec bienveillance voulait me faire participer, il y avait de ma part une incompréhension totale, par exemple de tenir une canne à pêche et son moulinet, où à chaque fois le fil s’emmêlait, de tenir un fusil, par peur du recul sur mon épaule. De faire un tour sur sa mobylette Peugeot 104 LVS de couleur orange, qu’il avait eue quand nous habitions à Fures (je le revois heureux au guidon de cette mobylette conduite depuis Voiron, avec prudence, derrière la voiture de notre père). Dans cette soif de liberté, il y eut, aussi, l’arrivée des premières cigarettes, les P4…

Enfin arriva l’expérience désastreuse de conduire sa 2ch, le long du Rhône à Mauves. Par un manque de coordination et par appréhension, je perdis tous mes moyens et renonçai à aller plus loin dans l’aventure.

Son soutien pour rentrer au Collège Sainte-Anne à Valence, puis à l’École des Beaux-Arts de Troyes, où devant mon désarroi il voulait que je ne reste pas à Troyes, et à son arrivée à Tournon, il se mit à critiquer les parents de m’avoir laissé partir comme ça !

Il était également là, à Montpellier et à Arles pour mes hospitalisations en psychiatrie, et à ma sortie, je pus respirer l’air pur dans ses bras.

Un fait marquant, le Service Militaire effectué à la ville d’Etain. Nous l’attendions pour sa première permission en gare de Valence. Il arriva sans que notre père de loin ne le reconnaisse, le crâne rasé, ce qui fit passer à notre père une nuit blanche (en insultant l’armée et le militaire qui lui avait coupé les cheveux  » Si je le tenais cet E. ») , alors que nous avions l’image avant son départ d’un garçon aux cheveux longs.

Plus tard, il y eut la grande séparation avec son déménagement pour Pérols, où nous allions le voir presque tous les dimanches et l’avions au téléphone tous les jours.

Aujourd’hui à 60 ans il est bien dans sa peau, avec une sérénité retrouvée, une ouverture d’esprit dans tous les domaines de la vie, sa vie…

Dans un Corail je voyage entre Mâcon et Lyon… (texte)

« J’ai fait tant de projets

Qui sont restés en l’air

J’ai fondé tant d’espoirs

Qui se sont envolés

Que je reste perdu

Ne sachant où aller

Les yeux cherchant le ciel

Mais le cœur mis à terre. »

Paroles extraites de la chanson de Charles Aznavour « Hier encore ».

Juillet 1988. Cette année-là, je décidai de quitter l’usine MECELEC de Tournon, qui m’employait tous les étés depuis l’âge de 16 ans. Je pris le train pour Lyon, avec mon dossier photographique, de manière à me présenter dans des lieux d’exposition.

À la sortie de la gare de Perrache, je pris la rue Auguste Comte, où se situaient à l’époque quelques galeries, dont une en particulier, celle de Gill Favre, qui présentait les œuvres de L. Cane, P. Buraglio et des membres de Supports/Surfaces (me semble-t-il ?). Toujours dans cette même rue, figuraient des galeries à but commercial, dont celle de Jean Marais.

Après des réponses négatives, par hasard, je me mis en route vers l’ELAC (haut lieu de l’art contemporain de la ville de Lyon, aujourd’hui disparu).

Sa directrice, O.P., me fit entrer dans son bureau et, en regardant mon travail d’étudiant (réalisations principalement de caisses, de paravents, de fenêtres, etc.), téléphona à T.P., adjoint au Conservateur du Musée Saint-Pierre (partie Art Contemporain du Musée des Beaux-Arts), afin de savoir s’il y avait encore de la place pour le montage de l’exposition « La couleur seule, l’expérience du monochrome », sous le Commissariat de Maurice Besset.

Avec sa recommandation, et une certaine fierté, je descendis la rue Victor Hugo pour rejoindre la place Bellecour, la rue du Président Édouard Herriot afin d’atteindre le Musée Saint-Pierre.

Les choses allèrent très vite. T.P. me reçut, m’expliqua ce qu’il attendait de moi, le salaire, et les heures de travail qu’il ne fallait pas compter. Dans ces conditions, je fus engagé.

Ma décision étant prise, je fis la connaissance de l’équipe (avec une moyenne d’âge très jeune), T.R., le Conservateur, B.G., H.P., D.L., R.G.… Tous polyvalents, pour un but commun, celui de présenter de l’art contemporain dans la deuxième ville de France, où depuis plusieurs années, le Musée Saint-Pierre menait une politique singulière en matière d’expositions et d’acquisitions.

Des lieux importants se développèrent en province (toujours en Rhône-Alpes), à Villeurbanne, le Nouveau Musée, à Saint-Étienne, le Musée d’Art Moderne, et à Grenoble, le Magasin, sans oublier à Bordeaux, le CAPC, ou bien encore à Dijon, le Consortium, tout cela pour dynamiser la scène artistique régionale et nationale.

Pour concrétiser enfin, dans les années 80, la loi de décentralisation, les DRAC et les FRAC firent leur apparition dans les 22 régions en métropole, permettant à ces Institutions de se développer avec des crédits supplémentaires.

De retour à Tournon, je téléphonai à Philippe, pour lui expliquer la situation, l’informant qu’un poste était encore vacant.

Depuis Chambéry, il arrêta de faire ses bonnes confitures pour se rendre à Lyon, où une place l’attendait.

Nous étions heureux de nous retrouver (après des stages effectués au Nouveau Musée de Villeurbanne, ou encore à la Galerie Sparta à Chagny) en dehors de l’École Régionale des Beaux-Arts de Mâcon, pour vivre passionnellement cette dernière aventure d’« Octobre des Arts », devant la découverte in situ d’artistes et d’œuvres que nous ne reverrions sans doute plus.

Avant l’arrivée de Philippe, je commençai à travailler avec F. (dont j’ai oublié le nom) que je revis à la DRAC Rhône-Alpes, au service Archéologie, puis hélas nos routes se séparèrent. Il fit son service militaire à Montpellier, et occupa par la suite un poste de Conservateur.

De suite, nous sympathisâmes. Doté d’une grande culture pour son âge, il était très « cool » dans le travail à réaliser, tout en étant très professionnel.

Notre première tâche consista à peindre un rectangle bleu outremer de l’œuvre de G. Anselmo « Vers l’outremer » qui était posé au mur, à la pointe d’une pierre de granit inclinée et maintenue par un câble (la même opération s’était présentée à l’École des Beaux-Arts, lors d’une exposition consacrée à « L’Arte Povera »).

Ensuite, nous démontâmes, pour les mettre en réserve, un grand nombre de pièces, afin de laisser place à cette nouvelle exposition et nous cassâmes des murs pour en reconstruire d’autres.

Le jour J arriva, et T.P. nous annonça, à F. et moi, la venue proche de N. Toroni.

En pensant à une plaisanterie, il nous expliqua qu’il fallait, sur les trois niveaux, refaire les plâtres et repeindre les murs avant l’arrivée de l’artiste. Pour cela, nous disposions de très peu de temps.

Déjà à l’époque, en été, il faisait une chaleur caniculaire.

C’est ainsi qu’avec un seul échafaudage à monter et démonter sur les trois niveaux, à caler avec des planches pour avoir une certaine stabilité, nous étions quand même dans le vide, sans véritable sécurité (mais il fallait faire quand même le travail) !

Nous disposions de quelques moments de pause pris avec F., mangeant une orange, dans le Cloître du Palais Saint-Pierre et le silence reposant, malgré la circulation autour de la place des Terreaux.

N. Toroni arriva – l’échafaudage l’attendait – avec son compas, son pinceau n° 50, et sa peinture noire qu’il appliqua sur un support déposé contre le mur de l’entresol.

Arrivé au premier palier, pour monter dessus de manière à déposer ses empreintes répétées tous les 25 cm, il nous demanda, par crainte, de tenir l’échafaudage, et l’opération se répéta ainsi de suite…

Le travail exécuté, il nous offrit 100 FRS chacun pour le travail accompli.

F. souhaitait lui demander de faire figurer une empreinte sur ce billet. (Aurait-il accepté cette demande où Art et Argent se confondent si bien ?) Si oui, –aujourd’hui ou demain – cette pièce signée N. Toroni serait-elle devenue une œuvre d’art ?

Autre opération, celle de construire et peindre un mur en Siporex à la Maison de Lyon, place Bellecour, pour recevoir l’œuvre impressionnante de G. Merz.

La peinture à appliquer, de mémoire d’un vert kaki, ne partait pas de nos mains, la fontaine de la place fut recouverte pendant un long moment de cette couleur.

C’est ainsi que les choses sérieuses continuèrent, et qu’il fallut construire, d’après une scénographie, des murs – espaces porteurs des œuvres à montrer.

C’était un véritable chantier, que nous menions à la force de nos bras, pour décharger des camions les plaques de bois, les monter aux différents étages, idem pour les caisses contenant les œuvres (soulagés quand même par un monte-charge, mais pas très fiable…).

Les murs construits, le ponçage terminé, l’étape de peinture arriva, tout le Musée Saint-Pierre et celui des Beaux-Arts qui recevait des œuvres de l’exposition devaient être blancs.

Avec Philippe, nous avions un emploi du temps bien établi. Le départ du train de Mâcon pour Lyon Perrache, vers les 6h30, 6h45 le trajet du matin à pied jusqu’au Musée et le soir, dans l’autre sens…

Nous nous autorisions une pause, pour manger un sandwich au soleil, et si je me souviens bien prendre un café. C’est ainsi que nous tenions jusqu’au soir (sans rien avaler de plus de toute la journée).

Malgré la fatigue, nous avions eu droit à toute la collection des catalogues du Musée, y compris les sacs, dont le graphisme signé Ruedi Baur se démarquait déjà à l’époque. Nous étions heureux comme des gamins de porter cette charge supplémentaire.

La réception des œuvres, pour certaines leur ancienneté dans l’histoire de l’art, comme les Nymphéas de C. Monet, leur fragilité pour les œuvres de Spaletti (la peinture recouverte de plâtre), leur odeur (notamment celle des œuvres de G. Umberg avec du pigment noir appliqué sur de très fines plaques d’aluminium, dans un espace spécialement construit d’après ses plans, au Musée des Beaux-Arts).

Ce fut pour moi une expérience magique de l’assister ; ne parlant pas l’anglais, nous communiquions par gestes pour ouvrir les caisses, déballer les œuvres, et les positionner au mur avec du scotch double face. Une fois l’installation finie, les carrés offraient aux regardeurs de fausses perspectives et une appréhension du vide dans l’espace.

Un dimanche matin, de bonne heure, en attendant l’ouverture du Musée, nous vîmes arriver une petite voiture jaune d’où descendirent un homme et une femme âgés, venant de Suisse, avec sur la galerie de leur véhicule, des œuvres d’Y. Klein.

Surprenante également, la dimension des toiles et des châssis à monter et à accrocher d’O. Mosset.

Petit à petit, le musée devenait tout blanc et c’est avec une grande précaution – munis de gants – que nous déballions les œuvres de leurs caisses, afin, sous les yeux avisés de T.R. et de T.P., de les accrocher.

Un samedi après-midi, tranquillement avec Philippe, nous marchions dans les rues du centre-ville de Lyon et sous son impulsion, nous nous arrêtâmes rue de la Ré, devant une vitrine où se trouvaient des jeans signés Marithé et François Girbaud. Je fis l’acquisition d’un de ces jeans, d’une paire de chaussures à bouts carrés et d’une chemise noire à petits tressages.

Sur cette lancée, je m’achetai une veste Daniel Hechter, dans son grand magasin de la Part-Dieu.

Pour le vernissage et le reste de ma vie lyonnaise, je portai fièrement ces habits, me démarquant des autres, en toute discrétion, et sans aucune prétention de ma part. Ensuite il y eut la période de gardiennage, du mardi au dimanche, de 10h à 18h. Un travail harassant, affecté entre autres à l’œuvre de P. Soulage (que certains essayaient de gratter, par rapport aux reliefs et à la luminosité de ses peintures).

L’œuvre de Spaletti était elle aussi victime de dégradations : son travail étant recouvert au final d’une fine couche de plâtre, les gens passaient leurs doigts dessus, pour deviner de quelle matière il s’agissait…

Le moment le plus redouté était le dimanche vers les 15h, où les familles (enfants compris) sortant de table déboulaient dans les salles, comme dans un supermarché, se croyant tout permis.

Il y eut également de difficiles passages à gérer, outre la fatigue liée aux trajets, du manque à manger, d’une certaine solitude, des déplacements à pied aller/retour, par la suite, de Perrache à la colline de Fourvière, où la crypte de la Basilique – très froide – hébergeait les œuvres d’un peintre américain et où un jour, sans ma surveillance, un gamin faillit passer au travers d’une toile de grand format, sous le regard béat des parents…

À mon retour, tous les soirs, pour décompresser, je m’arrêtais, rue Saint-Nizier, chez T.B., crêpier de son état, pour parler « art » (il préparait des crêpes sous mes yeux, sans pour autant m’en offrir une, alors que l’odeur était appétissante…).

Devant tant d’investissement, je regagnai définitivement Mâcon (le contrat bien rempli). Le lendemain matin, levé à la même heure, direction la gare, pour arriver à Perrache, et comprendre, au pied de l’escalator, que l’aventure était finie.

Dans ce moment d’égarement, je repris le prochain train dans le sens inverse, pour regagner le nouvel appartement de la place aux Herbes.

Une nouvelle vie commença avec une inscription à l’École Nationale des Beaux-Arts de Lyon. Elle s’acheva rapidement, tant le système « École d’Art » ne convenait plus par rapport aux expériences vécues à Mâcon (rencontres avec des artistes, montages d’expositions, intervenants dans d’autres disciplines, etc.).

La participation à cette dernière exposition aura été l’élément déclencheur, pour aborder la suite d’une démarche déjà bien engagée aux Beaux-Arts de Mâcon, avec la concrétisation d’acquis précieux, que l’on trouve uniquement dans des expériences professionnelles vécues sur le terrain.

30 ans après, je consulte le catalogue quelque peu délaissé, essayant de me fixer une trajectoire personnelle dans l’histoire de l’art qui était sous nos yeux ébahis et entre nos mains.

Des œuvres marquantes réapparaissent, sans classification historique précise, mais pour le plaisir de citer parmi tant d’autres C. Monet, R. Ryman, J. Dubuffet, L. Fontana, P. Soulage, L. Cane, R. Zaugg, R. Morris, Y. Klein, R. Miro…

C’est avec une certaine forme de nostalgie que je quittai ce dernier « Octobre des Arts » tant sur le plan de la thématique donnée à voir, que sur celui des relations humaines inoubliables.

(Je fis mon retour au Musée pour le montage et le gardiennage d’une partie de la collection comportant, entre autres, la « Cabane n° 6 » de D. Buren, ou bien encore la réalisation d’un cadre pour un très grand dessin, « La belle amoureuse » de C. Zagarri, que je vis arriver un matin avec une rose à la main, pour la dessiner…). Mais l’énergie me manquait pour aller plus loin, au sein du Musée, malgré une demande appuyée de T.P. (je me rappelle que j’avais refusé pour la même raison le démontage de l’exposition « La couleur seule »…).

Dans l’intervalle, bénéficiant de quelques mois de chômage, et avec la réduction SNCF, il m’arrivait de me rendre encore à Lyon. Nous prenions alors un café froid avec I.M. (bonne copine des Beaux-Arts), à la terrasse d’un grand café. Une fois de plus, nos chemins se séparèrent…

Sans aucune connaissance, un jour, je me rendis à la DRAC. Je fus reçu par E.L., objecteur de conscience et assistant du Conseiller pour les Arts Plastiques.

Il regarda mon dossier et dans la conversation me fit part de son statut, et du poste qui allait se libérer. Il m’expliqua la fonction de celui-ci (travail administratif, courriers à rédiger, suivi des crédits déconcentrés, rencontres avec les artistes, etc.).

Nous prîmes rendez-vous avec M.C.J., en sachant que E.L. préparait un D.E.A. de philosophie, tandis que moi je sortais des Beaux-Arts avec un niveau scolaire plutôt faible, la partie n’était donc pas gagnée d’avance, mais ce poste, je le voulais…

La rencontre se passa fort bien, je fus accepté pour occuper ce poste. C’est ainsi que durant quelque 24 mois, je découvris avec une grande liberté de responsabilité, le domaine para-artistique de l’art contemporain.

Après cela, il y eut une grande période de galère, le RMI, les emprunts à rembourser à la B.P.R.D. et au Conseil Général de l’Ardèche (en partie). Heureusement pour moi, j’avais achevé le remboursement du prêt au Crédit Lyonnais avec ma solde d’O de C et grâce aux primes versées par M.C.J.

Dans cette période, j’ai dû quitter le logement tant désiré de la rue du Gazomètre, pour cohabiter rue des Rancy, chez mes parents.

Dans ces moments-là, faute de moyens, et de perspectives, je mis effectivement une certaine distance avec mes relations amicales, à mon grand regret. (je me renfermai sur moi-même, laissant place à une certaine rancune)

La relance se fit à Marseille, grâce à B.G. qui me présenta J.Y. avec un projet artistique ambitieux dans le quartier du Panier.

Par hasard, je retrouvai F.D.H., un ami de l’École des Beaux-Arts de Mâcon qui possédait un atelier dans ce coin de la ville.

Je restai quelques mois à Interface au côté de J.Y. pour monter quelques expositions : Y. Bellorgey, A. Léonesi, F. Clavère…

Grâce à lui, j’avais obtenu un appartement rue du Génie, mais les temps étaient durs, faute de moyens sur Lyon, mes parents me rejoignirent à Marseille, où nous partageâmes ce logement. Je repris alors mon statut de Rmiste.

Un certain équilibre financier prit forme et je pus trouver un atelier, rue Sainte-Françoise, pour quelques mois seulement, avant que mon frère vienne me déménager. Ce départ m’arrangeait car pour je ne sais quelle raison, des « sauvageons » du quartier tapaient fortement sur ma porte, et m’insultaient quotidiennement.

Après quelques mois, je trouvai un local, rue du Puits Saint-Antoine, pour travailler enfin, avec peu de moyens, mais dans de bonnes conditions.